• La question d'une résilience collective par Jean Marcel KOFFI et Gabriel GONNET

    A propos du film Cicatrices ![1], film de Gabriel GONNET, traitant de la résilience

    par Jean Marcel Koffi, Socio économiste du développement

    Introduction et postface de Gabriel GONNET

    Nous publions aujourd’hui ce texte  de 2007 de Jean Marcel KOFFI qui fait une synthèse entre une approche psychologique de la résilience et des approches sociologiques, écologiques et économiques du phénomène. Ce texte ouvre ainsi vers le concept de résilience collective, c’est à dire de la capacité d’une population à se sortir  d’un traumatisme.  Cette synthèse originale qui va de Boris Cyrulnik à Pierre Bourdieu en passant par Amartia Sen, et bien d’autres, est riche de développement comme nous le verrons dans la postface de ce texte. Il pose la question d’allier le développement personnel d’une personne au sein de celui d’un groupe, dans une perspective de durabilité sociale. Gabriel GONNET, Réalisateur La CATHODE  

    Préambule

    Je voudrais simplement aborder dans ce commentaire, quelques aspects de généralités théoriques et méthodologiques sur la manière de traiter la thématique de la résilience ; sans entrer dans la technique cinématographique dans laquelle je ne saurais faire preuve d’aucune compétence. C’est encore moins un commentaire du film que je n’ai pas visualisé. Il n’en décrit donc point la trame à travers les séquences d’histoires des personnages, ni les jeux d’acteurs.

    Ce commentaire s’inscrit dans une perspective positiviste dans la lignée de l’analyse même de la résilience, en s’appuyant essentiellement sur deux documents denses qui mettent en relief la longue maturation du projet : l’un retraçant la conception thématique et technique du film, et l’autre en faisant le bilan du repérage. D’autres supports de réflexions sont référencés dans le texte à mesure de leur exploitation.

    Dans ce film, Gabriel Gonnet jette un regard sur les mécanismes et pratiques multiples permettant à des personnes ayant vécu de graves traumatismes dans la vie de se remettre en selle, et d’aborder une nouvelle dynamique de vie.

    Quels sont les grands traits de ce processus ?

    Ce film propose de les décliner à travers des parcours singuliers de résilience, afin d’offrir une lucarne de pratiques diversifiées au grand public. Dans cette perspective pédagogique, il se construit sur deux types d’expériences : celle de quatre personnages aux trajectoires différentes d’une part, et celle de quatre associations, d’autre part.

    Un fait marquant est que le film s’ouvre sur une perspective multiculturelle et internationale; permettant ainsi de mettre en balance diverses façons d’appréhender les pratiques et les mécanismes de résilience.

    D’un point de vue épistémologique, le film s’appuie sur un double arrière-fond : l’un théorique fondé sur la résilience, l’autre reposant sur une méthodologie sociologique.

    La résilience : vulnérabilité, capacité et dynamique

    Ce concept est relativement récent dans la littérature scientifique, bien que le contenu descriptif soit inhérent à la nature humaine. Son contenu analytique et explicatif ouvre un vaste champ de recherche en sciences humaines et sociales.

    Pour définir la résilience, Gabriel Gonnet s’appuie sur les travaux des meilleurs spécialistes français que sont  Boris Cyrulnik, Michel Manciaux et Jacques Lecomte. Il s’agit de travaux pionniers de psychologues, de psychiatres et psychanalystes.

    Ce concept qui puise ses sources de réflexions dans les pays anglo-saxons des années 1970[2], n’a de sens qu’au point de départ d’un traumatisme, d’un choc douloureux. Le traumatisme peut être tout autant physique, que psychologique.

    La personne actrice de résilience (le/la résilient-e), est dans une situation de vulnérabilité relative, à partir de laquelle elle déploie toute son énergie et son intelligence pour rebondir et se reconstruire individuellement et socialement suite à un traumatisme. Le traumatisme peut prendre différentes formes : guerre, maltraitance, abandon, abus sexuels, catastrophe, maladie grave, stress, deuil d’un parent ; mais aussi au niveau communautaire, on peut citer l’ostracisme, l’exclusion sociale, le racisme, sans oublier l’impact des politiques publiques sur certaines couches de la population, en général les plus défavorisées. Les effets pervers des politiques publiques peuvent maintenir par exemple des pans entiers de la population en situation permanente de déficit culturel, économique, contraindre à l’exil ou à l’immigration. La liste ne saurait être exhaustive ! (Une typologie serait d’ailleurs nécessaire pour classifier et mettre en relation les types de traumatismes et les formes de résilience). Ainsi, autant la capacité de réaction à ces différents types d’événements de la vie peut être individuelle, autant elle peut aussi prendre un caractère collectif en terme de capacité d’une population à se prendre en charge suite à une catastrophe par exemple. La résilience peut donc être appréhendée au niveau individuel et au niveau collectif.

    Analyser la résilience, c’est se mettre dans une posture positiviste de raison et de progrès social, en prenant en considération des personnes qui déploient des efforts considérables pour s’en sortir. Ces situations qui ne sont pas repérées par les statistiques sociales officielles, méritent aussi qu’on s’y penche pour essayer de les comprendre et de les expliquer, et de mieux les prendre en compte dans la société. C’est dans cette quête de « savoir pour prévoir et prévoir pour pouvoir », que s’installe Gabriel Gonnet. Il l’écrit clairement : « le film souhaite aider à percevoir les grands traits de ce processus et permettre au public d’aller plus loin dans des pratiques, dans la réflexion sur soi-même, dans la recherche psychologique ou encore dans le regard porté sur l’autre. »

    La résilience n’est pas un concept statique. Il véhicule une dynamique qu’on retrouve autant chez Manciaux, que chez Lecomte et Tomkiewitz (2000) énoncent que résilier, « c’est surmonter les épreuves et les risques de l’existence, c’est-à-dire résister, puis les dépasser pour continuer à vivre le mieux possible ». Ces trois séquences du processus de résilience sont fondamentales et constituent un complexe : résister, dépasser et continuer.

    Vanistendael et Lecomte (2000) ne disent pas autre chose, et mettent aussi en relief l’aspect dynamique lorsqu’ils énoncent que « être résilient ne signifie pas rebondir, au sens strict du terme, mais croître vers quelque chose de nouveau (…) Rebondir vers un état initial est impossible, il s’agit plutôt de bondir en avant, d’ouvrir des portes sans nier le passé douloureux mais en le surmontant. » Ils conservent les mêmes ingrédients en mettant l’accent sur la capacité à construire quelque chose de nouveau dans le dépassement. C’est un aspect d’équilibre dynamique à potentialité tout au moins croissante ; ce qu’évoque Françoise DOLTO lorsqu’elle parle de « supporter avec une réalité vécue de plus grande puissance qu’avant, autrement manifestée. »

    Enfin analyser la résilience implique de tenir compte des effets de seuils liés à l’intensité du traumatisme. Selon le niveau de vulnérabilité relative de la personne, à intensité de choc donnée, un processus de résilience peut s’enclencher ou non. L’illustration peut en être donnée par la question lancinante longuement posée par les naufragés et les rescapés de Primo Levi.

    La résilience investie dans les champs d’analyses sociologique et économique

    L’analyse de la résilience se retrouve aussi en sociologie et en économie du développement.

    En sociologie de l’exclusion Serge Paugam (2000) dans « la disqualification sociale »[3], analyse la situation « des populations en situation de précarité économique et sociale » comme une épreuve. Celle-ci, sous le poids des représentations sociales, peut finir par induire chez ces personnes, une intériorisation consciente du fait de leur infériorité de statut. Cela constitue un choc dans leur parcours de socialisation. La précarité est désignée par des termes tels que « pauvres », « immigrés », qui selon Delcroix (2001, p.16)[4], renvoient à des signifiés se référant aux personnes. Cela implique le discours rendant responsables de leurs propres difficultés, les « précaires ». Ils sont donc accablés de toutes les représentations négatives, y compris celle de ne pas être en mesure de discipliner leurs enfants, ni de les aider à s’insérer. Delcroix (op.cit, p.18) poursuit en ajoutant: « on les tient pour responsables des actes de délinquance de leur progéniture. Des voix s’élèvent même pour leur supprimer les allocations familiales (...) Ces préjugés (…) sont exacerbés par la couleur de la peau qui provoque un rejet et une plus grande méfiance dus au racisme,…).» Il s’agit là de chocs de représentations sociales de nature à inhiber l’action individuelle et collective de socialisation de certaines personnes ; les maintenant ainsi dans l’exclusion et le repli sur soi.

    Comment font alors ces personnes ou ces familles, dans un tel environnement d’hostilité, et face à la réalité de leur situation de précarité pour réaliser leurs aspirations légitimes, telles que s’intégrer à la communauté par exemple, ou même subvenir à l’éducation de leurs enfants ? C’est l’objet de l’analyse de la mobilisation familiale en sociologie.

    Delcroix (op.cit, p.19-20 ) sort de la vision pessimiste chargée « d’idées reçues », pour énoncer que ces personnes sont capables de déployer « des stratégies dynamiques pour s’en sortir ». Elle s’évertue à en établir la démonstration tout au long de son ouvrage « ombres et lumières de la famille Nour :  comment certains résistent face à la précarité ? »

    Cette vision n’est pas éloignée de celle développée par Amartya Sen[5] (1993, 2000) en économie du développement, qui postule l’existence d’une diversité fondamentale des personnes, de sorte que, même pauvres ou handicapées, elles disposent d’un minimum de ressources sociales en termes de relations aux autres. Elles font valoir ces ressources d’altérité dans l’interaction sociale ; et ces relations d’altérité génèrent des ressources sociales que Bourdieu (1979, 1980)[6] appelle du capital social.

    En définissant le capital social comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’inter-connaissance et d’inter-reconnaissance ; ou en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe (…)», Pierre Bourdieu se situe en plein champs d’interaction sociale durable, et non d’exclusion sociale. Ces ressources peuvent ainsi concerner simplement des valeurs humaines de dignité, d’estime de soi, psycho-affectives, éducatives et de droits, transmises par socialisation, qui permettent de survivre, de vivre, et de vivre ensemble ; en d’autres termes, qui permettent de résister aux chocs sociaux des représentations sociales négatives.

    Delcroix (2001, p.73) met en ce sens en avant les forces et les talents que les personnes défavorisées sont capables de puiser en elles-mêmes pour « s’en sortir » ; pour réussir à éduquer leurs enfants malgré les contraintes fortes en capital économique et en capital culturel. Ces moyens qu’elles désignent par le vocable de « ressources subjectives », par opposition aux « ressources objectives » que sont les capitaux économique, culturel, et relationnel, peuvent se décliner sous diverses formes : les « qualités morales telles que le courage, la ténacité, l’audace, mais aussi la capacité à communiquer et à créer du lien, à aller chercher des informations, à les utiliser, l’expérience vécue, si elle a été réfléchie, assumée et digérée ».

    La personne comme objet anthropologique, n’est pas un « individu désaliéné de toute morale » (Ballet et al., 2005, p.37)[7], comme tendrait à le dépeindre la conception philosophique utilitariste prévalant depuis le XVIIIè siècle. Celle pour qui « les individus sont des quasi-objets. Ils ne sont pas des personnes, mais simplement des ensembles de caractéristiques qui servent à les définir. Dans ces conditions, une personne peut être substituée à une autre. (…) Si l’utilité globale s’accroît, peu importe que certaines personnes soient sacrifiées. » (Ballet et al., 2005, p.38).

    Cette représentation réductrice, fait de la personne un individu désocialisé, qui ne serait mue que par ses seuls intérêts. C’est l’homo oeconomicus dont la rationalité ne serait liée qu’à la cohérence interne de ses choix. Or la personne appartient à une société régie par un système de valeurs de normes sociales et morales, qu’elle intègre plus ou moins, de manière volontaire ou contrainte. Son comportement social relève ainsi tout aussi bien d’un faisceau croisé de tensions sociales ; dont elle tient compte, de sorte qu’au delà de sa rationalité individuelle, elle est aussi raisonnable et responsable.

    C’est là, un des ressorts de sa responsabilité sociale, qui peut l’amener à puiser en toute liberté, au plus profond d’elle-même, dans ses « ressources subjectives » pour participer à l’activité sociale. C’est cette liberté positive de participation, que Amartya Sen (1987) désigne comme étant la « capabilité » à être et à faire, en vue de pouvoir réaliser les fonctionnements de son choix. Les politiques publiques, qu’elles soient sociales ou économiques, ont pour effet de perturber les états en cours pour les transformer en équilibres désirables. Elles constituent donc des chocs sur la structure économique et sociale. De nature macroscopique, ces politiques agissent pour le grand nombre, et donc laissent nécessairement sur le bord de la route des situations humaines dramatiques. L’analyse de la résilience s’applique à ces situations.

    La personne ci-dessus définie, peut ne pas rester paralysée par l’épreuve de la « disqualification sociale » au sens de Paugam (2000) ; mais être capable même en situation de précarité économique et sociale, de mobiliser des ressources trop souvent insoupçonnées.

    Ainsi, les stratégies de mobilisation de ressources sociales passent par des mécanismes de participation à l’activité sociale, à la vie communautaire. Or Bourdieu en introduisant le concept de capital social, l’a présenté comme un actif individuel émanant d’un comportement individuel d’investissement dans un réseau de relations sociales.

    Ce concept sera ensuite vulgarisé par James Coleman (1988)[8] et Robert Putnam (1993)[9], qui vont en analyser les domaines de définition en terme d’actif individuel et collectif productif. Le sociologue américain James Coleman en développe une vision très individualiste. Pour lui, le capital social est un actif individuel, dans la mesure où la personne qui développe ses stratégies de relations sociales en détient la propriété du revenu. En s’appuyant sur ce concept bourdieusien pour analyser l’action sociale, Coleman (1988) dans une étude menée sur l’échec scolaire aux Etats Unis, met en évidence le fait que le capital social peut se convertir en capital humain par l’investissement intellectuel des parents en soutien scolaire de leurs enfants. Toute la communauté[10] peut alors bénéficier de cette formation de capital humain, comme une externalité positive localisée à la structure sociale. Le capital social est donc productif.

    L’idée d’externalité est largement mise en avant par Putnam (1993). Il indique que l’existence de capital social dans les normes et les réseaux d’engagement civique (associations) semble être une condition préalable à la performance des institutions. Le capital social serait alors un vecteur de développement producteur de flux de bénéfices (Ballet et Mahieu, 2003)[11].

    Ces stratégies se traduisent couramment dans le vécu quotidien des personnes vulnérables, des familles défavorisées ou en difficultés sociales. Les ressources individuelles sont combinées à des ressources collectives, par exemple dans le cadre d’associations communautaires très répandues. Finalement, Résister, dépasser et continuer à vivre le mieux possible impliquent des processus et des mécanismes autant d’adaptation que d’anticipation.

    Il s’agit globalement d’investissements ex-ante, on going ou ex post. Encore faudrait-il avoir les ressources nécessaires pour réaliser ces investissements. Comment les mettre en évidence de sorte à identifier ceux qui pourraient être adaptés et reproduits ?

    Pour ce film, Gabriel Gonnet a choisi d’interroger les acteurs de la résilience eux mêmes, en ponctuant leurs récits de regards d’experts scientifiques sur la résilience.

    Un travail cinématographique sur un fond de méthodologie sociologique

    Le film se construit à partir de méthodes sociologiques fondées sur l’observation, l’écoute et l’entretien sous forme de récit de vie. Il ne privilégie pas d’observer et de décrire un très grand nombre de cas ; mais plutôt d’identifier et d’interroger des situations interlocutoires mettant en évidence les contextes dans lesquels prennent forme les pratiques de résilience, en termes de mécanismes et processus, mais aussi d’enjeux individuels et sociaux (quatre personnages et quatre associations).

    L’idée est de rencontrer les acteurs dans leurs milieux, et de faire émerger des expériences concrètes à partir de discours construits de manière autonome afin de garantir la fiabilité d’informations enfouies dans le vécu relativement traumatique des personnes. En effet, seules ces personnes sont les mieux placées pour dire « le comment » de leurs situations, la logique de leurs actions et leurs principes de fonctionnement. S’immerger dans « des lieux qui font mémoire pour eux », rencontrer « les personnes qui les ont aidés », travailler avec les témoins sur « les moments clés de leur histoire » sont des étapes fondamentales pour décrypter et comprendre le vécu traumatique de ces personnes.

    L’entretien va alors permettre de dérouler le cours des choses, la rationalité propre à chaque acteur de la résilience à travers un récit de vie. La personne interviewée raconte un épisode quelconque de son expérience vécue. Le verbe « raconter » (faire le récit de) est ici essentiel, car il signifie que la production discursive de la personne a pris la forme narrative ; celle-ci l’utilisant pour exprimer les contenus d’une partie de son expérience vécue.

    Cette démarche présente l’avantage dans le recours aux témoignages vécus dans une perspective ethnosociologique, de ne pas s’étendre sur la totalité de l’histoire de la personne en commençant par sa naissance, voire par l’histoire de ses parents, son milieu, bref par ses origines sociales. En effet, couvrir toute l’histoire de la vie de la personne actrice de la résilience, est du domaine de l’autobiographie. Choix qui n’a pas été opéré car temporellement non adapté à l’objectif du film, mais aussi certainement pour éviter toute emprise inhibante liée à une représentation complète et totale de l’histoire réelle d’une vie.

    La résilience s’analysant à partir d’un événement traumatique, l’interview sous forme de récit de vie raconte tout ou partie d’une expérience vécue sur un segment de vie, dans une situation sociale ou un monde social donné. Lorsqu’on mène une interview sur les processus d’entrée et de fonctionnement dans un processus de résilience, c’est un segment de vie qui est interrogé. Cela marque la pertinence du choix du récit de vie comme forme de l’entretien dans ce film.  

    Conclusion

    L’enseignement principal concernant l’analyse de la résilience qu’on peut retenir à l’issue de ce commentaire peut s’articuler autour de trois axes : le processus, la non linéarité, et les effets de seuil.

    La résilience n’est pas un état statique descriptif d’une personne à un moment donné. C’est un processus qui se joue dans le temps, et qui peut prendre naissance à un moment donné ou non suite à un choc. A ce niveau, deux facteurs se conjuguent : la vulnérabilité relative de la personne en elle-même et dans son milieu social, et l’intensité du choc ; dont la résultante peut se traduire par un phénomène irréversible de déchéance (naufrage), ou un phénomène réversible par l’entrée dans la résilience. Ce processus étant variable d’une personne à une autre, d’un groupe à un autre, d’une population à une autre, il n’est pas linéaire.

    Au delà de la reconnaissance de plus en plus largement acquise de la résilience comme thématique pertinente de recherche, la véritable question des contenus de processus et des effets de seuils reste toujours posée.

    En choisissant de mettre en lumière les pratiques sous différents angles, individuels, collectifs et multiculturels, et de les rendre accessible au grand public, le film de Gabriel Gonnet s’inscrit dans cette quête. Il sort cette problématique sociale de l’ombre, en la soustrayant de la « pauvreté du regard » pour plutôt enrichir celle-ci. C’est semble t-il sa façon à lui de contribuer à la cité, à la cohésion social, au sens du renforcement des ressorts du lien social.

    Jean Marcel KOFFI elbiotic@yahoo.com

    Postface

    Depuis ce texte, nous avons vu apparaître en France de nombreuses approches qui rejoignent les préoccupations exprimées dans ce texte. Nous évoquerons en particulier : l’empowerment  qui  est une notion importante  dans le communauty organizing[12] Américain repris par le collectif Pouvoir d’agir. Des démarches « communautaires » de type anglo-saxonne  et  québécoise (au sens de communauté de destin) ont été reprises en France  en santé communautaire dans les quartiers de la politique de la ville,  et dans des ONG comme Plan International ou Handicap international mais aussi par la psychologie communautaire et la psychologie positive qui a fait de nombreuses avancées par rapport à l’analyse du fonctionnement des groupes.

    Le terme de « capabilité » d’Amartia SEN est repris dans les réflexions sur la notion d’égalité républicaine ou de territoire. Enfin, le travail  de parole collective est depuis longtemps pratiqué par ATD quart monde au sein de ses universités populaires, le CCFD autour de ses micros projet utilise aussi cette capacité collective dans ses macros projet. Toutes ces réflexions, expériences et compétences mériteraient d’être croisées, débattues, partagées et capitalisées. Le monde de la recherche a commencé à s’en emparer.

    La «démocratie participative» a été invoquée de partout, il s’agirait plutôt de reconnaître  des démarches participatives et la créativité de ces éléments d’auto organisation  petite ou grande, qui peuvent, dans les moments les meilleurs mais aussi dans les pires, dans ces temps de «résiliences collectives», d’en faire des facteurs de vivre ensemble et de « faire société » comme l’évoquait une grande fédération d’éducation populaire[13] et les rendre participants des politiques publiques, locale, régionales ou nationales. Circo para todos  - Circo para todos est une école de cirque crée pour les enfants des rues de Kali en Colombie. Dans ce film, un groupe d'entre eux  vient en France pour participer au Festival International de Théâtre d’enfants de Valenciennes. Cette école a une pratique que l'on pourrait qualifier de rèsiliente et ouvre des pistes vers ce qui serait un travail de résilience collective. Un Documentaire de Gabriel GONNET - C'est un Bonus du DVD Cicatrices.

    Une question essentielle est de savoir quels sont les «cadres favorisants» qui vont permettre une résilience individuelle ou collective, cela a été évoqué dans un article sur la dynamique des personnes ; cadre bienveillant et sécurisant (financièrement et affectivement),[14] qui favorise la parole et la rencontre par la réalisation d’un projet commun… Cette richesse peut être favorisée par les nouvelles technologies et le web favorisant des réseaux d’engagement qui peuvent grandement influencer une société comme les indignés, les colibris, le collectif Roosevelt et bien d’autres…  

    Gabriel GONNET, réalisateur La CATHODE              


    [1] Pour bien comprendre le contexte de l’écriture de ce texte par Jean Marcel KOFFI,  celui-ci part de la lecture du scénario du film documentaire Cicatrices et du journal de repérage  du film.  Ce travail préalable va donner lieu à la publication du livre Résiliences, cicatrices, rébellion de Gabriel Gonnet et Jean Marcel Koffi avec un entretien avec Boris Cyrulnik – Éd. L’Harmattan 2010. Dans le livre, le journal du repérage est publié et Jean Marcel KOFFI développe les idées ébauchées ici, dans le dernier chapitre intitulé ‘‘qu’est ce que la résilience ?’’ Ce travail théorique va contribuer à la création par Jean Luc Dubois, Directeur de recherches a l’IRD, de l’Unité Mixte Internationale  Résiliences de l’IRD  (Institut de Recherche pour le Développement). Cette UMI travaille sur des problématiques de vulnérabilités des milieux et des sociétés,  de chocs traumatiques, et de résilience dans plusieurs pays d’Afrique (Côte d’Ivoire, Madagascar, Mali, Sénégal).

    [2] Le phénomène en lui-même n’est pas nouveau. Il a toujours existé, mais il ne bénéficie pas encore d’un suivi administratif et social.

    [3] PAUGAM, Serge (2000), La disqualification sociale, PUF, Paris

    [4] DELCROIX, Catherine (2001), Ombres et lumières de la Famille Nour : comment certains résistent    face à la précarité, Editions Payot & Rivages, Paris

    [5] Prix Nobel d’Economie en 1998

    [6] BOURDIEU, Pierre (1979), La distinction ; critique sociale du jugement, Edition de minuit, Paris BOURDIEU, Pierre (1980),  Le capital social, Actes de la recherche en sciences sociales, N°31

    [7] BALLET, J. ; DUBOIS, J.L. ; MAHIEU, F. R. (2005), L’autre développement : le développement          socialement soutenable, 125p, l’harmattan, Paris

    [8] COLEMAN, James, S. (1988), Social capital in the creation of human capital, American Journal of    Sociology, n°94, pp 94-120

    [9] PUTNAM, Robert, D. (1993), Making democracy work: civic traditions in modern Italy, Princeton University Press, Princeton

    [10] Guillon (2003) définit la communauté comme désignant « une collectivité d’individus située et dont le  degré d’intégration est fort en termes de solidarité et de cohésion. » GUILLON, Roland (2003), Tensions sur l’activité en Afrique de l’Ouest : une approche comparative Nord-Sud, L’Harmattan

    [11] BALLET, J. ; MAHIEU, F.R. (2003), Le capital social, mesure et incertitude du rendement, in Regards croisés sur le capital social, éditeurs Jerôme Ballet et Roland Guillon, L’Harmattan, Paris  

    [12] Le fait que Barak OBAMA ait longtemps été animateur de Comunauty organizing à Chicago a contribué à diffuser le concept au niveau international

    [13] La ligue de l’enseignement dans son manifeste  faire société [

    14] La dynamique des personnes par Gabriel GONNET – La CATHODE

    « SITUATION DE LA CATHODELa CATHODE en IMAGES »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 20 Mars 2014 à 18:51

    offshore tunisie excellent boulot les gars

     

    2
    Vendredi 21 Mars 2014 à 10:41

    faut vraiment être cinéphile pour aimer car perso je suis juste un amateur et je n'ai pas aimé plus que ça mais l'article est top (un peu long ?)

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